Jeudi 7 et vendredi 8 novembre 2024
Colloque
L'ère des Narcisse
Les exposés ont été conçus pour être accessibles à un public très large:
nul besoin d'être «psy» pour y assister!
Dans le prolongement de «Pourquoi la guerre?» en 2022 et «Pourquoi la violence?» en 2023, voici «L'ère des Narcisse».
Il faudra faire la part du mythe de Narcisse tel qu'il se présente dans ses premières occurrences (Conon, Ovide, etc.) et celle de la théorie psychanalytique (narcissisme primaire et secondaire chez S. Freud, stade du miroir chez J. Lacan, etc.). Il nous faudra également laisser une place à la nymphe Écho, privée de parole là où Narcisse, à certains égards, est privé d'ouïe.
Nous nous demanderons pourquoi, aux dires de Marie-France Hirigoyen, Œdipe recule devant Narcisse. Comme nous en avons pris l'habitude, nous poserons les questions, par cercles concentriques, aux niveaux individuel, interpersonnel, groupal et collectif.
Nous demanderons à nos orateurs et oratrices, Anne-Laure Buffet, Olivia Gazalé, Serge Hefez, Pascale Jamoulle, Jean-Claude Maes, Robert Neuburger et Jean-Luc Viaux de faire la part belle aux illustrations concrètes, de façon à donner des pistes de travail aux intervenants de terrain. Nous bénéficierons également d'une représentation théâtrale du Journal d'assise de Janine Bonaggiunta. Chaque plénière se terminera par une «présentation de cas» par un·e psychologue de PREFER asbl.
Direction scientifique: Jean-Claude Maes
Modération: Richard Hallez
Narcisse 1599 Le Caravage
Lieu: Musée Royal d'Art et d'Histoire
10 parc du Cinquantenaire - 1000 Bruxelles
PAF: 200 euros (150 euros pour les inscriptions avant le 1er septembre et pour les inscriptions en groupe de quatre personnes et plus, 100 euros pour les étudiant·es et les personnes sans emploi).
Sont inclus dans la PAF les 2 repas du midi.
Inscription : via le formulaire d'inscription
Une accréditation en éthique et économie
est demandée pour les médecins
Avec le soutien de la Région de Bruxelles-Capitale,
de la Commission communautaire française
et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
En collaboration avec Formeville asbl et le Brocoli Théâtre asbl.
Préambule
Nos colloques se veulent pluridisciplinaires, mêlant psychologues, psychiatres, anthropologues, philosophes, criminologues, historien·nes, linguistes, politologues, etc. Pour la première fois depuis longtemps, ce ne sera pas le cas cette année, avec cinq psychothérapeutes pour une anthropologue et une philosophe (ainsi qu'une avocate si l'on compte l'autrice du «Journal d'assises»). Cela ne signifie pas que ce colloque serait réservé aux «psys»: nos invité·es s'adressent de façon habituelle à tous les publics. Peuvent donc y trouver matière, les psys bien sûr, mais également d'autres professionnel·les et non-professionnel·les interpellé·es par le thème des Narcisse.
On notera déjà que nous avons choisi de parler de Narcisse plutôt que de «pervers narcissiques». En effet, d'un narcissisme qu'on pourrait qualifier de «normal» à la perversion (voire plus loin, car le sommet est probablement la paranoïa), se déploie tout un continuum qu'il nous semble crucial d'explorer en ces temps que beaucoup se plaisent à qualifier d'individualistes, nous amenant à nous demander: vivons-nous l'ère des Narcisse?
Jeudi 7 novembre 2024
08h00 Accueil
08h30 Introduction
09h00 Écho et Narcisse: du mythe aux pulsions
Jean-Claude Maes, master en Psychologie clinique, docteur en Information et Communication, psychothérapeute adultes-couples-familles, directeur de PREFER asbl, auteur de nombreux ouvrages entre autres sur les dérives de l'emprise, tels que «Emprise et Manipulation. Peut-on guérir des sectes?» (De Boeck, 2010), «Liens qui lient, liens qui tuent. L'emprise et ses dérives» (Liber, 2014), «D'amour en esclavage. Ces relations qui font du mal» (Eyrolles, 2014), «L'inceste. Peut-on s'en remettre?» (Academia, 2017), etc.
Autres informations bibliographiques sur notre site
Argument: Cette conférence servira d’introduction au colloque entier en posant quelques concepts cruciaux à partir de deux mythes, celui d’Éros et Psyché, d’une part, et celui d’Écho et Narcisse, d’autre part. Il sera d’abord question de la construction du «système pulsionnel» (Szondi, Schotte, etc.) et plus précisément de la «pulsion d’emprise» (Freud, Denis, etc.). On verra ensuite comment le narcissisme se joue entre «clivage fonctionnel» et «clivage structurel» (Bayle) au niveau individuel mais également aux niveaux interpersonnel, groupal et collectif.
Présentation d'un cas clinique par Céline Janssens, psychothérapeute à PREFER asbl: Brahim, père d'un «revenant»
Débat
10h30 Pause-café
11h00 Le narcissisme, rouage essentiel dans le système d'emprise
Anne-Laure Buffet est thérapeute, conférencière et formatrice spécialisée dans l'accompagnement de personnes victimes de violences psychologiques (Vézinnes, France). Elle a créé l'association «Contre les violences psychologiques». Elle est l'autrice de nombreux ouvrages entre autres sur ce thème, tels que «Les prisons familiales. Se libérer et guérir des violences invisibles» (Eyrolles, 2019), «Tous toxiques, tous victimes?» (L'Observatoire, 2021), «Mères qui blessent. Se libérer de leur emprise pour renaître» (Eyrolles, 2022), ou encore du Que sais-je? sur «L'emprise» (PUF, 2023)
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Argument: L'emprise est généralement présentée comme l'appropriation et l'annihilation d'un individu par un autre. Ce serait, basiquement, la rencontre du bien et du mal, dont le mal sortirait généralement vainqueur. Pour que cette relation déséquilibrée puisse réellement s'instaurer, il faut que chacun y trouve une réponse à sa construction narcissique défaillante, manquante ou déviante afin d'atteindre son Moi idéal. Sans cette quête bilatérale, l'emprise ne peut s'instaurer. Nous verrons dans un premier temps ce que sont ces constructions narcissiques vulnérables puis comment s'organise cette rencontre conduisant à la néantisation de l'un au profit unique de l'autre.
Présentation d'un cas clinique par Giorgia Graziadio, psychothérapeute à PREFER asbl: Marie, un «grand amour»
Débat
12h30 Pause repas
13h30 Narcisse encrypté: l’inceste
Jean-Luc Viaux, docteur en psychologie, professeur des Universités et expert judiciaire honoraire (Rouen, France), auteur de nombreux ouvrages entre autres sur les maltraitances faites aux enfants, tels que «L'enfant et le couple en crise» (Dunod, 2002), «La haine de l'enfant. Les vraies causes de la maltraitance et des violences» (Dunod, 2020), «Les incestes. Clinique d'un crime contre l'humanisation» (Érès, 2022), ou encore le Yapaka sur «L'inceste n'est pas qu'un crime sexuel».
Autres informations biographiques et bibliographiques sur Yapaka.be
Argument: D’un point de vue anthropologique, il y a inceste si le désir sexuel s’adresse à une personne qui est trop « semblable », soit en raison d’un lien de sang direct, soit d’un lien acquis par la construction généalogique. D’un point de vue clinique, la dynamique de l’inceste traduit le fait que l’incestueux cherche à retrouver une part de lui en l'autre, comme son reflet dans un miroir, ce qui est éminemment narcissique. Mais il a refoulé ce Narcisse dans une crypte inconsciente.
Présentation d'un cas clinique par Xavier Mulkens, psychothérapeute à PREFER asbl: Arthur, «je voudrais juste avoir une vie normale»
Débat
15h00 Pause-café
15h30 Théâtre : Journal d’assises, de Janine Bonaggiunta, interprété par Aylin Yay
Adaptation: Nathalie Mongin
Mise en scène: Michel Kacenelenbogen
Assistante à la mise en scène: Hélène Catsaras
Scénographie et costumes: Laurence Hermant
Lumière: Laurent Kaye
Musique originale: Pascal Charpentier
Régie: Geoffrey Leeman
Autres informations concernant ce spectacle sur le site du Théâtre Le Public
Résumé: Janine Bonaggiunta est avocate. Suite au procès de Jacqueline Sauvage, elle se spécialise dans la défense des femmes qui ont tué leur conjoint après avoir subi des violences conjugales, parfois pendant des décennies. La juriste a ainsi ouvert le débat sur la légitime défense de ces femmes si rarement acquittées. La pièce «Journal d’assises», est une adaptation du livre que Bonaggiunta a tiré de ses rencontres et de ses plaidoiries. Ce texte, dans un souci de retranscrire au plus près les faits, donne la parole à une galerie de personnages bouleversants, tirés de nos vies. L’avocate rapporte leurs dires, leurs mots, avec bienveillance et compassion. Elle met en lumière le terrible parcours de combattante que doit franchir la victime devenue assassin pour enfin sauver sa peau.
UNE PRODUCTION DU THÉÂTRE LE PUBLIC. AVEC LE SOUTIEN DU TAX SHELTER DE L’ÉTAT FÉDÉRAL BELGE VIA BESIDE ET DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE
Débat final
17h30 Fin de la journée
Vendredi 8 novembre 2024
08h30 Accueil
09h00 Radicalisation adolescente, radicalisation familiale (au lieu de 13h30)
Serge Hefez est psychiatre et psychanalyste, responsable de l’unité de thérapie familiale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Il est l’auteur, entre beaucoup d'autres, de «La danse de couple» (Pluriel, 2005), «Le nouvel ordre sexuel» (Le livre de poche, 2017), «La fabrique de la famille» (Le livre de poche, 2017), «Je rêvais d'un autre monde» avec Dounia Bouzar (Le livre de poche, 2018), «Transitions. Réinventer le genre» (Le livre de poche, 2022), etc.
Autres informations biographiques et bibliographiques sur Wikipédia
Argument: Notre Unité de thérapie familiale du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à la Pitié Salpêtrière à Paris a été mandatée par la Préfecture de Paris pour recevoir des familles de jeunes en cours de radicalisation. Tous les adolescents, nous le savons bien, font le travail de se désaffilier provisoirement des valeurs de leur famille par le biais d’une affiliation au groupe de pairs, pour pouvoir dans un deuxième temps, se réaffilier à leurs origines selon les modalités de leurs choix. Tous sont bouleversés par les mutations de la puberté, par l’anticipation de la rupture du cocon familial. Tous doivent, par le biais d’une certaine exaltation et d’une affirmation volontiers péremptoire de leurs opinons, se soumettre à la quête parfois désespérée de leur identité. Certains tentent ainsi d’échapper à la dépendance et au conformisme en se soumettant à de nouvelles conformités encore plus aliénantes, qui les enferment dans des répétitions bien plus rigides que celles qu’ils tentent de combattre…
Présentation d'un cas clinique par Jean-Claude Maes, psychothérapeute à PREFER asbl: Pierre, un mensonge après l'autre
Débat
10h30 Pause-café
11h00 Les épinards sont bons, ou Les perversions langagières les plus communes, et les plus dangereuses parce que méconnues (au lieu de 9h)
Robert Neuburger, psychiatre et psychothérapeute (Genève, Suisse), auteur d’ouvrages de référence en thérapie familiale systémique, souvent réédités, tels que «L'autre demande» (Payot, 2003), «Les rituels familiaux» (Payot, 2016), «Les paroles perverses. Les reconnaître, s'en défaire» (Payot, 2018), «Thérapie de couple. Manuel pratique» (Payot, 2019), «Le mythe familial» (ESF, 2020), «Exister. Le plus intime et fragile des sentiments» (Payot, 2020), etc.
Autres informations biographiques et bibliographiques sur son site
Argument: Pour expliquer ce titre, les épinards ne sont pas bons comme essayaient de nous le faire croire nos mères: ils sont verts. Il ne faut pas confondre une opinion personnelle et une qualité d’objet. C’est une remarque faite par Heinz von Foerster qui s’est intéressé de près à cette perversion langagière, dont une des conséquences est le racisme, en raison d’une utilisation perverse du verbe «être». Mais il est bien d’autres perversions langagières, tout aussi méconnues et dangereuses.
Présentation d'une situation de supervision institutionnelle par le partenariat de Formeville asbl et PREFER asbl
Débat
12h30 Pause-repas
13h30 Clara, d'emprise en emprise. Un récit emblématique (au lieu de Marie-France Hirigoyen à 11h)
Pascale Jamoulle, docteure en anthropologie (UCL / UMons / Passeurs de mondes), auteure de «Des hommes sur le fil» (2005), «Fragments d’intime» (2009), «Par delà les silences» (2013) et «Je n'existais plus» (2021).
Autres informations biographiques et bibliographiques sur le site de l'UCL
Argument: Pour camper la complexité des systèmes d’emprise et leurs dynamiques répétitives, l’histoire de Clara est emblématique. Réfugiée politique chilienne, elle a vécu une emprise intrafamiliale initiale au pays, puis un enchaînement d’emprises secondaires en exil (conjugale, puis politico-sectaire), avant de s’engager dans un lent processus de déprise et d’émancipation.
Débat
15h00 Pause-café
15h30 Le virilisme: un fardeau pour l’homme?
Olivia Gazalé a enseigné la philosophie pendant 25 ans en classes préparatoires, à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et aux Mardis de la Philo, dont elle est la co-fondatrice et l’ex-présidente. Elle s’est fait connaître par ses articles publiés dans Philosophie Magazine et des contributions à plusieurs ouvrages collectifs. Puis elle a écrit trois essais remarqués: «Je t’aime à la Philo. Quand les philosophes parlent d’amour et de sexe» (Laffont, 2012), «Le mythe de la virilité. Un piège pour les deux sexes» (Laffont, 2017), et «Le paradoxe du rire» (Seghers, 2024).
Autres informations biographiques et bibliographiques sur Wikipédia
Argument: Et si, comme les femmes, les hommes étaient depuis toujours victimes du mythe de la virilité ? Pour asseoir sa domination sur le sexe féminin, l’homme a, dès les origines de la civilisation, théorisé la hiérarchie des sexes en faisant de la supériorité mâle le fondement de l’ordre social, religieux et politique. Un discours fondateur qui n’a pas seulement postulé l’infériorité essentielle de la femme, mais aussi celle de l’autre homme (l’étranger, le sous-homme, le pédéraste, l’impuissant, etc.). Historiquement, le mythe de la virilité a ainsi légitimé la minoration de la femme et l’oppression de l’homme par l’homme. Ainsi, la réinvention actuelle des masculinités n’est pas seulement l’avenir du féminisme, mais un immense progrès pour la cause des hommes.
Débat final
17h30 Fin de la journée